La photographie est une trace. Le cadrage est une sélection dans le réel de ce qui sera digne d’être mis en image. Cette révélation du pittoresque moderne dans une photographie est soumise à l’appareillage photographique qui travaille différents paramètres. Le temps de pose est la question centrale de cette série d’images. Un temps de pose long opère une nouvelle sélection des formes, mettant de côté les mobiles pour ne retenir que les statiques. Historiquement, la photographie se sera efforcée de repousser les limites techniques vers des temps de plus en plus courts, jusqu’à capter et réaliser cette idée d’instant. Je tends à retrouver les paramètres de la photographie des origines, celle qui a pu produire cette image de 1838 de Daguerre où n’apparaissent qu’un homme et un cireur de chaussures dans les rues vidées de Paris. Je m’emploie à vider à nouveau les lieux de Paris, à laisser les passants s’effacer et les habitants se révéler. C’est une mise en lumière de personnes qui traînent, qui se posent, qui se postent à un certain endroit, par choix ou par nécessité, et dont la stature remarquable se détache au quotidien et durant les quelques minutes où l’image se fait.