

La peau est ici littéralement investie comme surface d’inscription et de lecture de signes. Historiquement, l’écriture et la lecture ont toujours engagé des supports et des déplacements dirigés dans l’espace. La fragilité ou la pérennité des supports et des signes, leur matérialité ou leur virtualité, leur organisation libre ou enchaînée : en un mot, la plasticité de l’écriture et de la lecture est remise en jeu à chaque expérience d’écriture. Dans ce travail je produis du texte sur un mode sculptural : des paires d’index (le gauche et le droit) sont disposées en cercle à intervalles réguliers. Sur le bout de chaque doigt apparaît en relief un signe, une lettre d’alphabet sur les index tournés vers l’extérieur du cercle, sa traduction en braille sur ceux tournés vers l’intérieur. Ces doigts sont obtenus par moulage de mes index dont la peau est déformée par la pression d’outils. La constitution de ces caractères d’imprimerie se fait sur le mode de la frappe, où le même doigt se déforme puis retrouve son état propre et nu, avant de recevoir un nouveau dessin.
Le texte ainsi écrit est un palindrome, « un art luxueux ultra nu ». La symétrie de cette phrase résonne avec la symétrie de l’installation et nourrit la plasticité de la lecture. Entre chaque mot un intervalle est laissé vide, permettant au regardeur d’entrer dans le cercle et ainsi parcourir celui-ci en suivant les signes en braille.
Un autre ressort pleinement investi est celui de la mémoire : mémoire de la peau, mémoire dans le moule puis le plâtre, mémorisation de chaque signe contigü pour reconstituer l’unicité et le sens de la phrase, et par là même attribuer une signification à un graphisme abstrait.